Faut-il nécessairement être frustré pour se réaliser ?
« Ne te rebute pas, ne renonce pas, ne te décourage pas si tu ne réussis pas toujours à diriger tes actes d’après les vrais principes » Marc Aurèle ( L.V, 9).
Transcendance vs. autoréalisation …
Comme nous le dit très bien le philosophe Michel Lacroix, dans son livre Se réaliser, Petite philosophie de l’épanouissement personnelle,
https://www.amazon.fr/Philosophie-r%C3%A9alisation-personnelle-Michel-LACROIX/dp/2221133137
« Entre le stoïcien qui cherche à se fondre dans l’ordre divin du cosmos, le platonicien qui se nourrit des Idées et le chrétien qui prend modèle sur la vie de Jésus, il n’y aurait en définitive, pas de différence », ou encore, « Ni le croyant ni le métaphysicien ne se situent à proprement parler, dans une perspective de réalisation de soi. Leur démarche est celle d’un épanouissement par la transcendance ».
Si le bonheur n’est certainement pas une idée nouvelle, celle de « la réalisation de soi, nous dit-il, est une idée fondamentalement moderne », ou plus exactement, le bonheur et la réalisation de soi non pas par une force ou une règle transcendante, mais immanente, « moi », c’est-à-dire mon potentiel.
Attention … danger !
Il nous met cependant en garde contre les gourous du développement personnel et une certaine forme de démagogie : « Les formateurs, les conseillers, les coachs font entendre un slogan séduisant et flatteur qui résonne inlassablement dans les stages et manuels. Ils répètent à leurs clients Exploitez toutes vos possibilités. Vraiment toutes ? ». Se réaliser ne serait donc pas une quête de l’impossible, mais l’épuisement du champ des possibles.
Faire des choix … dans l’action !
Mais, il faudra quand même faire des choix. Marc Aurèle se le disait déjà : « Ne te disperse plus, mets fin à ton errance » (L.III,14). Tout n’est pas possible dans le champ des possibles, ou sinon des dangers guettent : hyperactivité, donjuanisme …
La réalisation passerait par l’action, et non par la contemplation, nous dit Michel Lacroix. Ce n’est plus « je pense, donc je suis », mais « j’agis donc je suis ». Mais déjà Marc Aurèle l’écrivait : « Ne rien faire au hasard » (L.II,17), mais surtout « agis peu. Fais ce qui est nécessaire » (L.IV,49).
Autoréalisation = processus…
Michel Lacroix nous rappelle que la réalisation de soi est un processus : sentiment d’insatisfaction (frustration), exploitation de son potentiel (exercices), réalisation de quelque chose (projet). « J’obtiens la certitude que je me suis réalisé, nous dit-il, à partir de l’examen de ce que j’ai réalisé ». Mais pour citer à nouveau Marc Aurèle : « Bientôt, tu auras tout oublié ; bientôt aussi, tu seras oublié de tous » (L.7,21).
Se réaliser ne se réalise pas tout seul. Il y a des ingrédients extérieurs ou « nutriments » nécessaires : l’amour, la confiance d’autrui, l’autorité, l’exemplarité et la bienveillance.
Regrets …
Le livre de Michel Lacroix nous invite à nous replonger dans les écrits des philosophes modernes. Je dirais pour ma part, et pourquoi pas dans ceux de certains classiques ?
A la lecture (à vrai dire, la relecture) du livre de Michel Lacroix, je regrette deux choses :
D’abord, Michel Lacroix ne traite que très brièvement du bénéfice que la société peut tirer de la réalisation de soi (« la main invisible »).
Ensuite, il semble trop rapidement mettre Marc Aurèle dans le même sac que Sénèque et Épictète. Alors, quelle différence entre : « Je m’épanouis quand les autres me veulent du bien, mais je m’épanouis tout autant quand je leur veux du bien » (Michel Lacroix, 2009) ; et « Personne se lasse de recevoir des services. Un service est une action conforme à la nature. Ne te lasse donc pas de te rendre service à toi-même, en rendant service aux autres » (Marc Aurèle, près de 2000 ans) ?
A bon entendeur, salut !
A mercredi prochain.
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